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A
la fin de la Coupe du Monde, on enterrait le rugby amateur,
cependant il existe un paradoxe : de nos jours, on peut retrouver
des traces de cet esprit rugby dans la catégorie junior
Crabos.
La principale raison de ce constat réside dans le fait
que la grande majorité des joueurs n'ont pas trop de
prétentions dans le rugby de haut niveau; bien que
le rêve de revêtir le maillot bleu et de sentir
chanter le coq sur sa poitrine est, et reste toujours intact.
Si l'on interroge des joueurs Crabos (- de 18 ans) sur les
motifs de leur engouement pour le rugby; les termes d'amitié,
de plaisir, reviennent souvent; et pour un joueur, qui vit
bercé par les chants de l'Ovalie depuis plus d'une
dizaine d'années, la question ne se pose même
plus, il est présent en nous, et comme le dit si bien
Daniel Herrero: "On mange rugby, on copule rugby, on
vit rugby."
Il est vrai que les quelques sélections régionales
bousculent un peu cet aspect du jeu de rugby junior. Mais
pour qu'une équipe tourne à merveille, l'amitié
est une clé essentielle à la réussite
de cette entreprise, ce qui était le cas il y a quelques
années de cela. Cette notion de bien être commun
tend à disparaitre au profit de la préparation
physique, mentale et du jeu en lui même. Certains trouveront
de la nostalgie dans mes propos, d'autres me contrediront...
Mais les Bleus se voient trop peu pour tisser des liens d'amitié
durables.
Un junior, tout comme le rugbyman d'antan, cherche à
rester le plus longtemps possible avec ses camarades, le fait
d'avoir le lycée pour certains, les premières
années d'études supérieures pour d'autres,
compte pour beaucoup. Cela sent bon les horaires de l'usine,
du travail parallèle au rugby... On n'hésite
donc pas à se rencontrer dans le bistrot du coin, se
donner des nouvelles, s'inviter... Et contrairement aux professionels,
qui se rencontrent tous les jours, les entrainements deviennent
un espace de liesse, attendu durant toute la semaine, mais
aussi un endroit qui fait oublier les dures réalités
de la vie. Ainsi, chaque joueur offre aux autres un peu de
son temps dans le but de mener à bien une saison. Ceci
anime donc une équipe de juniors, cadets, ou de bas
niveau, autant que cela faisait vivre le rugby d'autrefois.
Il faut savoir qu'un rugbyman junior dispose non pas des prejugés,
mais des clichés du rugbyman d'antan. C'est à
dire qu'il possède une image assez honorante de lui-même
et de ses co-équipiers aux yeux des jeunes de son âge:
celui du costaud au grand coeur, un peu fou, violent parfois;
celle d'un homme. Surtout dans les places fortes du rugby,
comme Toulouse, Agen, Béziers, où les rugbymen
bénéficient même de privilèges.
Cet engouement populaire, surtout celui de la gente féminine,
n'a jamais été aussi forte que celui voué
aux rugbymen des années 50 à 80...
Les moyens mis en oeuvre peuvent sembler similaires aussi,
des interminables trajets en bus jusqu'au terrain mal entretenu,
ceci rend la chose encore plus charmante. Ils procurent une
certaine autonomie à l'équipe qui vit dans une
sorte de bulle, rien n'est acquis, tout est à faire;
les voyages ont les parfums d'aventures comme jadis; dans
les petits clubs, les maillots lavés à tour
de rôle , non plus par les femmes, mais par les mamans
des joueurs, donnent une vie à ce groupe, une organisation...
Le jeu de rugby en lui-même n'a pas changé, mis
à part l'évolution de ce jeu qui nous est si
cher, on joue toujours avec le coeur, comme autrefois, et
surtout dans les petits clubs qui ne connaissent pas les transferts,
où l'on peut évoquer cette idée d'amour
du maillot. Les grandes différences de niveau dûes
surtout à la grande liberté des clubs à
choisir eux même leur championnat, permettent de voir
des scores fleuves; le nombre de clubs inscrits dans le championnat
de France rappelle aisément la fameuse 1ère
division à 80 clubs, le public est familial et bien
du terroir, et les beignes tombent régulièrement,
ce qui fait revivre les fameux derbys d'antant: Que cela soit
les jeunes du PUC contre ceux du Racing, ceux de l'ASBH contre
ceux de l'USAP (et j'en passe !!), l'ambiance demeure toujours
électrique. Enfin, le jeune rugbyman peut arroser gaiement
sa troisième mi-temps et ses soirées se prolongeant
jusqu'au petit matin. Mais il faut le dire, il est bien plus
vulnérable vis à vis de l'autorité parentale!
Les rapports avec les entraineurs, souvent des anciens joueurs;
voire avec les dirigeants sont humanisés, il n'y a
pas l'intervention du facteur argent. Ainsi le rugby d'antan
et celui que connait les jeunes hommes de maintenant se ressemblent.
Pour eux le rugby n'est qu'une composante de leur vie, même
si essentielle pour certains: le rugby ne les fait pas vivre,
il les rend juste heureux.
Pierre,
joueur Crabos à Montpellier
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