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de Légende
France - Ecosse 1911
Le
2 janvier 1911, la France, qui n'a encore gagné aucun match
international depuis ses débuts en 1906, accueille, en match
d'ouverture de son deuxième Tournoi des V Nations, le XV
du Chardon...
En
ce mois de janvier 1911, la France participe à son deuxième
tournoi. La première édition s'est révélée
particulièrement catastrophique : avec 4 défaites
en 4 matches, 95 points concédés (l'essai est alors
à 3 points!) contre seulement 20 d'inscrits, avec 22 essais
concédés pour seulement 4 essais marqués, la
France apprend, et continue de se familiariser aux exigeances du
Tournoi face à des Nations rompues aux joutes Internationales.
Pourtant,
le public est au rendez-vous en ce début d'année 1911
au Stade de Colombes : Malgré ses deux premières rencontres
catastrophiques en 1910 au Pays de Galles (49-14) et en Ecosse (27-00),
la France est restée sur deux prestations convenables
au Parc des Princes face à l'Angleterre (03-11) et à
l'Irlande (03-08) quelques mois auparavant. Ce qui laisse quelques
espoirs au public parisien pour ce Tournoi 1911...
Et
le Stade est effectivement plein avec ses 8.000 spectateurs payants.
A tel point que la piste d'athlétisme doit être ouverte
à une partie du public. Le Temps est gris, l'état
du terrain est très correct et la partie sera arbitrée
par un Anglais : M. Jones.
Pour
l'anecdote, ce match aura bien failli très mal débuter
avec l'absence de deux des seize joueurs du XV de France. Mais alors
que le selectionneur Allan Muhr allait faire rentrer un soldat jouant
au Stade Bordelais trouvé dans les tribunes, Antoine Francquenelle,
l'unique remplaçant prévu pour cette rencontre, débarquera
peu avant le match et pourra débuter la partie au centre.
Christian Vareilles, prévu comme titulaire à l'aile
gauche, n'arrivera qu'une fois le match commencé : il avait
raté sa correspondance depuis Romans à la gare de
Melun.
A 15
heures, l'arbitre, Mister Jones, donne le coup d'envoi sous les
vivas de la foule.
Côté
français, on retrouve aux côtés du capitaine
Marcel Communeau, présent dans les rangs du XV de France
depuis la première rencontre internationale du 1er janvier
1906 face aux Blacks, pas moins de sept nouveaux joueurs qui débutent
en équipe de France : le talonneur toulousain Pierre Mounicq,
les deuxièmes lignes Fernand Forgues de l'Aviron Bayonnais
et Paul Descamp du Racing Club de France, Joseph Bavozet le troisième
ligne du FC Lyon, l'ouvreur Périgourdin Georges Peyroutou,
le centre Antoine Francquenelle du SC Vaugirard et Pierre Faillot
l'ailier du Racing CF.
Rapidement,
dans une entame de match très rythmée, ce sont les
tricolores qui, par l'intermédiaire du demi-de-mélée
Tarbais Laterrade, inscriront le premier essai pour mener par 5
à 0 après la transformation réussie par Paul
Descamps, le deuxième ligne du Racing.
Le
match est âpre, le public déchainé, mais les
Ecossais reviendront à égalité suite à
un essai transformé de Mac Calum. Mais parmi les tricolores
qui débutent, il y a Pierre Faillot, un champion du 400 mètres,
qui joue à l'aile pour cette première sélection.
Et c'est lui qui suite à un long sprint va applatir le deuxième
essai français après une passe du centre Marcel Burgun
qui vient de fixer l'arrière du XV du Chardon. Les deux hommes
jouent au Racing Club de France, tout comme Gaston Lane, l'autre
ailier du XV tricolore, seul rescapé avec le capitaine Marcel
Communeau et le selectionneur Allan Muhr du premier match international
de 1906.
Cet essai
qui donne l'avantage à la France ne sera pas transformé,
mais les Français mènent par 8 à 5 devant une
foule en liesse.
La
France mènera même par 11 à 5, après
que l'ouvreur du CA Périgueux, Georges Peyroutou, qui lui
aussi honore sa première cape, se soit échappé
et ait filé à l'essai.
Et
ce n'est pas un nouvel essai des Ecossais peu avant la mi-temps
qui fera faiblir les ardeurs du public. En effet, la France écrasée
par 27 à 00 à Edimbourg, 11 mois auparavant, mène
par 11 à 8 à la mi-temps. C'est incroyable, le public
exhulte !
Quarante
minutes à tenir, les Ecossais durcissent le jeu, ainsi que
leurs intentions. Les Français colmatent comme ils le peuvent
les brèches et s'épuisent peu à peu. Les Ecossais
passeront un drop à 4 points par leur ouvreur pour mener
par 11 à 12. Mais les Français ne faiblissent pas,
et c'est de nouveau l'ailier Pierre Faillot qui ira aplatir en terre
promise après une nouvelle course endiablée. Malheureux
sur ses deux précédentes tentatives de transformation,
Paul Descamp ne faiblit pas, et porte la marque à 16 à
12 pour les tricolores. La France repasse devant, le public n'en
croit pas ses yeux !
Sur
les 16 points inscrits par la France, 13 ont été marqués
par des nouvelles capes : Pierre Faillot avec deux essais (6 points),
l'ouvreur périgourdin Georges Peyroutou avec 1 essai (3 point)
et le 2ème ligne Paul Descamp avec deux transformations (4
points).
Mais
le match n'est pas terminé : les écossais sont à
moins d'un essai transformé et se déchainent. Les
français restent solides en défense malgré
leur fatigue. Le public se glacera lorsque le deuxième ligne
Abercrombie applatira après avoir enfoncé les avants
du XV tricolore. Le public frémira lorsque l'arrière
Tod ratera la transformation pour des Ecossais qui resteront à
un point derrière : 16 à 15 pour les bleus.
Le
match n'est pas terminé, les Ecossais redoublent leurs attaques,
le XV de France chancèle mais ne cède pas, jusqu'au
moment où l'ailier écossais Sutherland, lancé
par son centre, a pris le trou. Il s'enfonce dans la moitié
de terrain Française à une allure incroyable. La défense
est prise à contre-pied, l'essai est imparable; Young va
marquer, c'est certain !
Et
non !!! Pierre Faillot, encore lui, est revenu à pleines
jambes de son aile opposée ! Depuis son aile, il a en effet
vu l'ailier écossais s'infiltrer dans la défense française
et a parcouru toute la largeur du terrain pour le plaquer au moment
où ce dernier allait applatir ! Young a laché la balle
en avant. L'essai n'est pas marqué, les 8.000 spectateurs
acclament cet exploit !
Pierre
Faillot, pour sa première sélection, a inscrit deux
essais et en a sauvé un qui semblait imparable. Et la France,
humiliée en terres Ecossaises 11 mois auparavant, remporte
ce match par 16 à 15.
L'exploit
est immense. A la grande surprise de tous, même des plus rêveurs,
la France remporte un match dès son deuxième tournoi
!
Mieux
: elle laissera la dernière place du tournoi 1911 à
la nation qu'elle vient de vaincre et terminera quatrième
derrière l'Angleterre grâce à cette victoire.
Mais
c'est peut-être dans les années qui suivront que chacun
réalisera la véritable hauteur de cet exploit...
La
France devra en effet attendre plus de neuf années et pas
moins de 18 rencontres avant de remporter un nouveau match, le deuxième
de son histoire. Ce sera le 3 avril 1920, à Dublin. Mais
c'est une autre Histoire...
Olivier
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