Rugby1892 - Jeudi 10 Avril 2003

 

 

 

 

Matches de Légende

 

France - Ecosse
1911

 

Le 2 janvier 1911, la France, qui n'a encore gagné aucun match international depuis ses débuts en 1906, accueille, en match d'ouverture de son deuxième Tournoi des V Nations, le XV du Chardon...

En ce mois de janvier 1911, la France participe à son deuxième tournoi. La première édition s'est révélée particulièrement catastrophique : avec 4 défaites en 4 matches, 95 points concédés (l'essai est alors à 3 points!) contre seulement 20 d'inscrits, avec 22 essais concédés pour seulement 4 essais marqués, la France apprend, et continue de se familiariser aux exigeances du Tournoi face à des Nations rompues aux joutes Internationales.

Pourtant, le public est au rendez-vous en ce début d'année 1911 au Stade de Colombes : Malgré ses deux premières rencontres catastrophiques en 1910 au Pays de Galles (49-14) et en Ecosse (27-00), la France est restée sur deux prestations convenables au Parc des Princes face à l'Angleterre (03-11) et à l'Irlande (03-08) quelques mois auparavant. Ce qui laisse quelques espoirs au public parisien pour ce Tournoi 1911...

Et le Stade est effectivement plein avec ses 8.000 spectateurs payants. A tel point que la piste d'athlétisme doit être ouverte à une partie du public. Le Temps est gris, l'état du terrain est très correct et la partie sera arbitrée par un Anglais : M. Jones.

Pour l'anecdote, ce match aura bien failli très mal débuter avec l'absence de deux des seize joueurs du XV de France. Mais alors que le selectionneur Allan Muhr allait faire rentrer un soldat jouant au Stade Bordelais trouvé dans les tribunes, Antoine Francquenelle, l'unique remplaçant prévu pour cette rencontre, débarquera peu avant le match et pourra débuter la partie au centre. Christian Vareilles, prévu comme titulaire à l'aile gauche, n'arrivera qu'une fois le match commencé : il avait raté sa correspondance depuis Romans à la gare de Melun.

A 15 heures, l'arbitre, Mister Jones, donne le coup d'envoi sous les vivas de la foule.

Côté français, on retrouve aux côtés du capitaine Marcel Communeau, présent dans les rangs du XV de France depuis la première rencontre internationale du 1er janvier 1906 face aux Blacks, pas moins de sept nouveaux joueurs qui débutent en équipe de France : le talonneur toulousain Pierre Mounicq, les deuxièmes lignes Fernand Forgues de l'Aviron Bayonnais et Paul Descamp du Racing Club de France, Joseph Bavozet le troisième ligne du FC Lyon, l'ouvreur Périgourdin Georges Peyroutou, le centre Antoine Francquenelle du SC Vaugirard et Pierre Faillot l'ailier du Racing CF.

Rapidement, dans une entame de match très rythmée, ce sont les tricolores qui, par l'intermédiaire du demi-de-mélée Tarbais Laterrade, inscriront le premier essai pour mener par 5 à 0 après la transformation réussie par Paul Descamps, le deuxième ligne du Racing.

Le match est âpre, le public déchainé, mais les Ecossais reviendront à égalité suite à un essai transformé de Mac Calum. Mais parmi les tricolores qui débutent, il y a Pierre Faillot, un champion du 400 mètres, qui joue à l'aile pour cette première sélection. Et c'est lui qui suite à un long sprint va applatir le deuxième essai français après une passe du centre Marcel Burgun qui vient de fixer l'arrière du XV du Chardon. Les deux hommes jouent au Racing Club de France, tout comme Gaston Lane, l'autre ailier du XV tricolore, seul rescapé avec le capitaine Marcel Communeau et le selectionneur Allan Muhr du premier match international de 1906.

Cet essai qui donne l'avantage à la France ne sera pas transformé, mais les Français mènent par 8 à 5 devant une foule en liesse.

La France mènera même par 11 à 5, après que l'ouvreur du CA Périgueux, Georges Peyroutou, qui lui aussi honore sa première cape, se soit échappé et ait filé à l'essai.

Et ce n'est pas un nouvel essai des Ecossais peu avant la mi-temps qui fera faiblir les ardeurs du public. En effet, la France écrasée par 27 à 00 à Edimbourg, 11 mois auparavant, mène par 11 à 8 à la mi-temps. C'est incroyable, le public exhulte !

Quarante minutes à tenir, les Ecossais durcissent le jeu, ainsi que leurs intentions. Les Français colmatent comme ils le peuvent les brèches et s'épuisent peu à peu. Les Ecossais passeront un drop à 4 points par leur ouvreur pour mener par 11 à 12. Mais les Français ne faiblissent pas, et c'est de nouveau l'ailier Pierre Faillot qui ira aplatir en terre promise après une nouvelle course endiablée. Malheureux sur ses deux précédentes tentatives de transformation, Paul Descamp ne faiblit pas, et porte la marque à 16 à 12 pour les tricolores. La France repasse devant, le public n'en croit pas ses yeux !

Sur les 16 points inscrits par la France, 13 ont été marqués par des nouvelles capes : Pierre Faillot avec deux essais (6 points), l'ouvreur périgourdin Georges Peyroutou avec 1 essai (3 point) et le 2ème ligne Paul Descamp avec deux transformations (4 points).

Mais le match n'est pas terminé : les écossais sont à moins d'un essai transformé et se déchainent. Les français restent solides en défense malgré leur fatigue. Le public se glacera lorsque le deuxième ligne Abercrombie applatira après avoir enfoncé les avants du XV tricolore. Le public frémira lorsque l'arrière Tod ratera la transformation pour des Ecossais qui resteront à un point derrière : 16 à 15 pour les bleus.

Le match n'est pas terminé, les Ecossais redoublent leurs attaques, le XV de France chancèle mais ne cède pas, jusqu'au moment où l'ailier écossais Sutherland, lancé par son centre, a pris le trou. Il s'enfonce dans la moitié de terrain Française à une allure incroyable. La défense est prise à contre-pied, l'essai est imparable; Young va marquer, c'est certain !

Et non !!! Pierre Faillot, encore lui, est revenu à pleines jambes de son aile opposée ! Depuis son aile, il a en effet vu l'ailier écossais s'infiltrer dans la défense française et a parcouru toute la largeur du terrain pour le plaquer au moment où ce dernier allait applatir ! Young a laché la balle en avant. L'essai n'est pas marqué, les 8.000 spectateurs acclament cet exploit !

Pierre Faillot, pour sa première sélection, a inscrit deux essais et en a sauvé un qui semblait imparable. Et la France, humiliée en terres Ecossaises 11 mois auparavant, remporte ce match par 16 à 15.

L'exploit est immense. A la grande surprise de tous, même des plus rêveurs, la France remporte un match dès son deuxième tournoi !

Mieux : elle laissera la dernière place du tournoi 1911 à la nation qu'elle vient de vaincre et terminera quatrième derrière l'Angleterre grâce à cette victoire.

Mais c'est peut-être dans les années qui suivront que chacun réalisera la véritable hauteur de cet exploit...

La France devra en effet attendre plus de neuf années et pas moins de 18 rencontres avant de remporter un nouveau match, le deuxième de son histoire. Ce sera le 3 avril 1920, à Dublin. Mais c'est une autre Histoire...

 

Olivier

 

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